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lument à part dans le monde de la cuisine. Il est l’un de ceux qui ont compris depuis longtemps que, quoi qu’en disent les réfractaires de la pensée, c’est par l’étude que doit s’élever le cuisinier ; l’un de ceux encore qui, à une instruction solide, joint une érudition sûre d’elle-même, qui parle admirablement et écrit encore mieux. C’est une intelligence d’élite chez qui se révèle la large compréhension des choses, la puissance de conception et l’intuition instinctive du Beau.

De la collaboration de ces deux hommes devait naître l’œuvre que je salue aujourd’hui ; qui se spécifie entre beaucoup d’autres par l’exposé lumineux des méthodes, par la précision mathématique dans la concision des recettes et par des dissertations malheureusement trop courtes qui feront la joie de ceux qui aiment ce qui est bien écrit. Ce n’est plus là le style ampoulé d’autrefois, mais un style épuré, élégant et correct qui ne porte aucun tort, bien au contraire, à l’exposé des recettes, et dénote des praticiens doublés de rhétoriciens rompus à toutes les subtilités de la syntaxe.

J’ai assisté à la genèse du travail, l’ai suivi pas à pas avec les épreuves, et ma conviction s’est accrue que P. Salles et Montagné offrent au public culinaire un livre sérieux, utile, résumant un travail méthodique partout basé sur des faits et appuyé par des preuves, partout semé de judicieuses observations dictées par l’expérience ; un travail qui est la synthèse formelle d’un genre bien personnel.

Du livre, j’approuve l’harmonieux dispositif, mais ce que j’apprécie par dessus tout, c’est la valeur pratique des recettes dans leur ensemble ; c’est la nette affirmation de théories où se sent la hardiesse de l’idée, de doctrines où se devinent des envolées de rêve et de haut Idéal.

Sans doute, dans cet ouvrage qui résume les plus transcendantes compositions de la cuisine moderne, tout n’est pas inédit ; les auteurs en avertissent prudemment, d’ailleurs, et ils se sont inspirés, comme tout auteur, d’un genre et d’une École, avant d’avoir la vision exacte de ce qu’ils voulaient. On peut même, si on le veut, y reconnaître dans les grandes lignes la façon de faire de plusieurs chefs d’École, mais subsistant seulement dans l’essence de son principe, et dont le résumé se traduit par une note bien, et absolument personnelle de travail.

Est-ce à dire cependant que, malgré leur valeur incontestable, ces procédés de travail ne soulèveront aucune objection ? J’opine à croire que si, et je n’hésite pas à dire que, personnellement, si je suis d’accord avec les auteurs sur le fonds initial de certaines recettes, les détails seraient à discuter ; j’y trouve même en quelques endroits un absolutisme sur