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l'espèce humaine. Quant à son Dictionnaire philosophique, si fastueusement intitulé la Raison par alphabet, c'est un livre d'une très-mince portée en philosophie. Il faut être bien médiocre soi-même pour s'imaginer qu'il n'y a rien au delà de la pensée de Voltaire. Rien de plus incomplet que cette pensée : elle est vaine, superficielle, moqueuse, dissolvante, essentiellement propre à détruire, et voilà tout. Du reste, il n'y a ni profondeur, ni élévation, ni unité, ni avenir, rien de ce qui fonde et systématise.'



143. JOSEPH JOUBERT (1754 — 1824).
[S. H. pp. 465-467.]


PENSÉES.

J'ai donné mes fleurs et mon fruit : je ne suis plus qu'un tronc retentissant ; mais quiconque s'assied à mon ombre et m'entend devient plus sage.

S'il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c'est moi.

Il y a des esprits creux et sonores, où les pensées retentissent comme dans un instrument. Il en est d'autres dont la solidité est plane, et où la pensée la plus harmonieuse ne produit que l'effet d'un coup de marteau.

Le remords est le châtiment du crime ; le repentir en est l'expiation. L'un appartient à une conscience tourmentée ; l'autre à une âme changée en mieux.

Les parfums cachés et les amours secrets se trahissent.

La première et la dernière partie de la vie humaine sont ce qu'elle a de meilleur, ou du moins de plus respectable ; l'une est l'âge de l'innocence, l'autre l'âge de la raison.

Un peu de vanité et un peu de volupté, voilà de quoi se compose la vie de la plupart des femmes et des hommes.

Les véritables bons mots surprennent autant ceux qui les disent que ceux qui les écoutent ; ils naissent en nous, malgré nous, ou du moins sans notre participation, comme tout ce qui est inspiré.