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arrive, à mon Dieu, à savoir tout le fond d'ici-bas, sans jamais presque sortir de son cœur !

Cette frappante lecture, s'ajoutant à plusieurs des précédentes, et comme ménagée avec adresse par une Providence maternelle, bouleversait beaucoup mes idées, qui, en s'améliorant depuis quelque temps par rapport au salut, se tournaient toutefois et se reposaient chemin faisant sur la douceur d'une amitié prétextée innocente. Il ressortait brusquement à mes yeux que cette amitié de trop près cultivée et les stations avancées du salut n'étaient pas sur la même pente, le long d'une seule et même voie ; que cette prairie si molle et si tiède à la lune, et d'une pelouse si assoupie, et d'une vaporeuse blancheur d'élysée, ne menait pas sûrement au Calvaire. De nouvelles perplexités naissaient de là ; j'étais en train de les débattre avec application et souci, quand le lendemain dimanche j'appris que, trois derniers conjurés ayant été arrêtés, les barrières venaient de se rouvrir et que les empêchements extraordinaires cessaient. Le voyage à l'instant devenait possible ; âme mobile et peu ancrée, je ne sentis plus autre chose.

Perplexités, balance, tout fut secoué et suspendu ; je volai, je pourvus au départ en peu d'heures, et le lundi, de bon matin, j'étais sur la route de Blois.

“ Ils vont être bien surpris de me voir descendre en personne après ma lettre d'avant-hier, pensais-je tout le temps avec sourire ; cette lettre exprimait tant de regrets !

C'est la plus vive, la plus ouvertement tendre que j'aie écrite assurément. J'étais si désespéré du retard ; je me faisais si hardi à produire mon sentiment à cette distance et ne croyant pas si tôt les visiter ! Le marquis en aura-t-il pris quelque ombrage ? Elle-même s'en sera-t-elle effrayée ?

Oh ! non, elle en aura été touchée seulement. C'est d'aujourd'hui que cette lettre a dû lui arriver ; elle est peut-être en ce moment à la relire ou déjà à y répondre. Elle rougira plus que de