dessein. Ce dessein avait germé, il avait pris forme, et le moment de l'œuvre était venu. La guerre entre l'Angleterre et la France éclatant, Georges s'était fait débarquer avec quelques-uns des siens ; d'autres allaient suivre, tous déterminés tous choisis de sa main et sûrs à ses yeux comme il l'était de lui-même. Le ralliement de ces hommes d'élite serait long, et durerait deux mois et plus peut-être.
Qu'importe ? la témérité de Georges et de ses officiers s'alliait à tant de prudence, et cette prudence employait d'ailleurs, comme un de ses moyens la témérité. Pichegru, quand tout serait prêt ici, arriverait à son tour ; Moreau et lui conviendraient d'un dernier mot. Que si M. le comte d'Artois osait risquer sa personne dans l'entreprise, ce serait le mieux ; Georges le conseillait, l'exigeait presque, pour ennoblir et loyaliser sur l'heure l'exécution. Mais, que le prince daignât ou non répondre au rendez-vous, ce n'était plus, en tout cas, d'un meurtre, d'un assassinat qu'il s'agissait. Le choc cette fois ne serait pas aveugle et infernal ; on s'aborderait militairement par l'épée. Georges et ses trois cents à l'heure dite, dans une rencontre inégale et chevaleresque, assailliraient le Premier Consul entouré des siens, sous le soleil de quelque cérémonie, au seuil du Panthéon, au parvis Notre-Dame, à l'esplanade des Invalides. Lui tombé, on dirait à l'armée le nom de Moreau, au peuple celui du prince. C'était là le triomphe expiatoire, la revanche de Georges : l'aventurier touchait au sublime du héros.
En me déroulant cette magnifique espérance, le marquis en recevait à son front comme un éclair ; il s'animait jusqu'à paraître y croire. Un moment, l'idée me vint (et rien n'a jamais pu m'en dissuader depuis) que, le cas échéant, il avait dit à Georges de l'avertir et lui avait juré d'être une des trois cents épées.
Moi-même, en l'entendant, une noble rougeur me