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idée qu’on se fait de l’auteur des Contes et nouvelles, nous répondrions que notre impression ne s’est formée que sur la lecture des pièces qui attestent la suite sérieuse de ses pensées. Nous n’ignorons pas que les plus confidentielles même de ces pièces écrites ne disent jamais tout ; nous savons que le xvie siècle particulièrement avait ses grossièretés, et que le cœur humain a, de tout temps, allié bien des contraires. Il serait donc téméraire et presque ridicule de venir répondre de l’ensemble d’une vie et d’en garantir après coup les accidents. Qu’il suffise d’avoir saisi la teneur et l’habitude élevée d’une âme durant les longues et définitives années[1].

Le Recueil publié par M. Champollion donne, à la suite des vers, une soixantaine de lettres en prose, écrites par François Ier ou à lui adressées, et presque toutes de galanterie. Une note en marge d’un manuscrit attribue plusieurs de ces lettres à Diane de Poitiers. M. Champollion, en reproduisant ce nom de Diane, est le premier à faire remarquer que la supposition offre peu de certitude et de vraisemblance. Il n’y en a aucune en effet ; Diane n’a jamais passé pour être avec François Ier dans de telles relations. De plus, les lettres de la maîtresse anonyme trahissent une situation menacée ; il y est question de haines, de calomnies. On sent une favorite dont l’astre baisse ; et celui de Diane montait au contraire. Ces lettres contiennent, au reste, assez d’indications indirectes pour qu’en s’y appliquant on ait le moyen peut-être d’en déterminer la source. Mais en valent-elles la peine ? Comme échantillon du style bizarre et alambiqué, je citerai une lettre de François Ier, que le Recueil met à l’a-

  1. Parmi les publications de date postérieure concernant Marguerite, je veux au moins indiquer celle du comte H. de La Ferrière-Percy, qui nous a donné le Livre de dépenses de la digne reine, – dépenses des plus honorables, des plus généreuses, – et une étude sur ses dernières années (Paris, Aubry, 1862). Tout examen un peu approfondi tourne en l’honneur de la bonne et belle nature de cette princesse.