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VI
(À 44 ans.)

La nature est admirable, on ne peut l’éluder. Depuis bien des jours, je sens en moi des mouvements tout nouveaux. Ce n’est plus seulement une femme que je désire, une femme belle et jeune, comme toutes celles que j’ai précédemment désirées. Celles-là plutôt me répugnent. Ce que je veux, c’est une femme toute jeune et toute naissante à la beauté ; je consulte mon rêve, je le presse, je le force à s’expliquer et à se définir : cette femme dont le fantôme agite l’approche de mon dernier printemps, est une toute jeune fille. Je la vois ; elle est dans sa fleur, elle a passé quinze ans à peine ; son front plein de fraîcheur se couronne d’une chevelure qui amoncelle ses ondes, et qui exhale des parfums que nul encore n’a respirés. Cette jeune fille a le velouté du premier fruit. Elle n’a pas seulement cette primeur de beauté ; si je me presse pour dire tout mon vœu, ses sentiments par leur naïveté répondent à la modestie et à la rougeur de l’apparence. Qu’en veux-je donc faire ? et si elle s’offrait à moi, cette aimable enfant, l’oserais-je toucher, et ai-je soif de la flétrir ? Je dirai tout : oui, un baiser me plairait, un baiser plein de tendresse ; mais surtout la voir, la contempler, rafraîchir mes yeux, ma pensée, en les reposant sur ce jeune front, en laissant courir devant moi cette âme naïve ; parer cette belle enfant d’ornements simples où sa beauté se rehausserait encore, la promener les matins de printemps sous de frais ombrages et jouir de son jeune essor ; la voir heureuse : voilà ce qui me plairait surtout et ce qu’au fond mon cœur demande. Mais qu’est-ce ? tout d’un coup le voile se déchire, et je m’aperçois que ce que je désirais sous une forme équivoque est quelque chose de naturel et de pur, c’est un regret qui s’éveille, c’est de n’avoir pas à moi, comme je l’aurais pu, une fille de quinze ans qui ferait aujourd’hui la chaste joie d’un père et qui remplirait ce cœur de vo-