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LETTRES DE RANCÉ
ABBÉ ET RÉFORMATEUR DE LA TRAPPE
Recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville
de Clermont-Ferrand


Est-ce pour faire amende honorable, pour faire pénitence d’avoir publié les charmants Mémoires inédits de Fléchier sur les Grands-Jours, que le même savant éditeur nous donne aujourd’hui les Lettres de Rancé ? Le fait est que ces agréables Mémoires, dont nous avons rendu compte dans ce journal en nous y complaisant[1], qui ont été lus ici de chacun avec tant d’intérêt et qui ont singulièrement rajeuni et, pour tout dire, ravivé la renommée sommeillante d’un grave prélat, ont causé dans le pays d’Auvergne un véritable scandale. On a essayé de nier leur authenticité, comme si de tels récits s’inventaient à plaisir, et comme si une langue aussi exquise et aussi polie se retrouvait ou se fabriquait à volonté après le moment unique où elle a pu naître. Puis on s’est rejeté sur le tort qu’une semblable publication faisait à la mémoire de Fléchier, et on s’est porté pour vengeur de sa gloire officielle, comme si, après tout à l’heure deux siècles, il y avait une meilleure recommandation auprès d’une postérité blasée que de parvenir à l’intéresser encore, à l’instruire avec agrément et à faire preuve auprès d’elle des diverses sortes de qualités qui brillent dans cet écrit familier, esprit d’observation, grâce,

  1. Dans le Journal des Débats. Voir aussi au tome III, page 239, des Portraits contemporains et divers.