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morceau, et c’eût été, biographiquement, plus vivant. Mais l’éloge oratoire a sa loi, sa convenance, son choix à faire entre les divers traits, et M. de Rémusat a su, en les indiquant, les adoucir, les idéaliser avec finesse, les subordonner à la majesté. Et puis l’orateur était dans son élément et dans son droit en ne négligeant pas une occasion si naturelle de juger les époques successives de notre histoire contemporaine. Il a parlé de toutes, et de la Restauration en particulier, avec impartialité, avec générosité même. Après les charmantes définitions qu’il avait données de M. Royer-Collard comme homme et comme écrivain, je ne sais si je me trompe, mais j’aurais préféré qu’il terminât sans rentrer dans cette thèse générale, plus que douteuse, de l’alliance de la philosophie et de la politique, sans se croire tenu de faire la péroraison obligée. Voilà (pour varier la monotonie de la louange) les seules observations du lendemain sur un discours dont l’ensemble et toutes les parties ont constamment réussi auprès de l’assemblée la plus choisie et la plus attentive. Ç’a été là un de ces beaux jours où le talent, au moment où il la reçoit, justifie magnifiquement sa Couronne.

Une étude du genre de celle-ci a ses limites, et un portrait n’est pas un tableau. C’est encore moins une description à l’infini et un catalogue détaillé des moindres productions. Nous nous arrêtons sans avoir épuisé notre sujet. M. de Rémusat en est un des plus fertiles, on l’a vu, et qui sait trop bien se multiplier pour qu’on n’ait pas l’occasion de le retrouver maintes fois en avançant. Il a plusieurs plans d’ouvrages pour l’avenir, et ceux qu’il ne prévoit pas seront peut-être les principaux. Mais, quoi qu’il publie ou de tout nouveau ou de composé déjà, il ne fera certainement par ses écrits qu’entrer en possession de la place qui lui est dès longtemps reconnue dans l’opinion. Le lieu qu’il tient est au premier rang parmi les esprits de cet âge ; il l’étend chaque jour, et, pour l’agrandir encore, il n’a qu’à