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de lui répondre. Et c’est ainsi que le règne de la raison s’ajourne toujours.

Ces réflexions s’adressent bien plutôt à la théorie doctrinaire primitive qu’à M. de Rémusat lui-même, dont j’ai indique les diversités particulières ; mais, dans cet écrit de 1820, il a payé un plus large tribut que partout ailleurs au pur doctrinarisme pour le fond comme pour la forme. Si l’ensemble de l’ouvrage prouve une grande force d’analyse, le style, par son caractère abstrait et scientifique, y jure un peu avec ce que cet élégant esprit a naturellement de souple et de dispos jusque dans sa fermeté.

Ajoutons pour mémoire un écrit sans nom d’auteur, composé pendant les orages de la loi des élections, en juin 1820[1], et distribué aux Chambres, et l’on aura idée de la part très-active que prit M. de Rémusat à la politique dans cette première période de la Restauration. Une chanson de lui, pleine de sentiment, intitulée le Retour ou le mois de juin 1820, nous le montrerait abandonnant, abjurant à cette heure une querelle qu’il jugeait désespérée, et se retournant vers des dieux-plus indulgents :

Je le sens trop, les jours de mon jeune âge
À de faux dieux étaient sacrifiés ;
Deux ans d’erreur m’ont enfin rendu sage,
Et la raison me ramène à tes pieds.

Mais c’est dans la littérature que nous devons suivre seulement et saluer son retour.

Un mot pourtant encore, avant de prendre congé avec lui de cette première époque. M. de Rémusat a beaucoup de projets pour l’avenir ; de ce nombre il en est un très-simple, très-facile à réaliser, et qui mérite bien d’occuper sa plume quelque matin : c’est de tracer un portrait de M. de Serre, de cette figure si élevée, si intéressante, de cet orateur à la

  1. Sous ce titre : Amendements à la loi des élections.