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et de l’autre la recherche de la vérité, me disait : Choisis, je lui répondrais : Ô Tout-Puissant, garde pour toi la vérité, et laisse-moi la recherche de la vérité. » – Marcher vaillamment et toujours, dût-on même ne jamais arriver, c’est encore après tout une haute destination de l’homme[1].

Mais, si précoce que fût le jeune Rémusat, nous l’avons un peu devancé. Un jour il sort assez à contre-cœur du salon de sa mère, et le voilà qui entre au collége. Il fit d’excellentes études au Lycée Napoléon, sans pourtant obtenir plus de deux accessits au Concours. Durant la dernière année, en rhétorique, il avait eu d’assez grands succès en discours français pour être le candidat le plus désigné à la couronne universitaire ; mais les événements politiques de 1814 lui firent quitter le collége avant la fin de l’année. Ce fut un autre brillant élève de la même classe, M. Dumon, qui remporta le prix.

Tout en suivant ses études, le jeune homme, on le pense bien, ne s’y astreignait pas. Son esprit sortait du cadre et se jouait à droite et à gauche sur toutes sortes de sujets. Pourtant il était, durant ce temps-là, sous la direction spéciale d’un maître bien docte et de la bonne école, M. Victor Le Clerc. M. Le Clerc a composé, comme chacun sait, de savants ouvrages ; il en a fait de spirituels. M. de Rémusat peut en partie s’ajouter à ces derniers[2]. Sous ce ré-

  1. Voir, pour les curieux, et comparer avec le mot de Lessing l’épigramme xxxiiie de Callimaque, et aussi ce que dit Pascal de la chasse et du lièvre : « On n’en voudrait pas s’il étoit offert. »
  2. Comme souvenir littéraire du temps de cette éducation, j’ai entre les mains une rare brochure, un petit poëme (Lysis) censé trouvé par un jeune Grec sous les ruines du Parthénon, et dont M. J. V. Le Clerc se donnait pour éditeur (chez Delalain, 1814). Ce poème est, en quelque sorte, dédié par l’épilogue à Mme  de Rémusat la mère : [Grec : theagar hê moi gelpis hêdei eureto].…C’est ainsi que les Ménage, les Boivin et les La Monnoyc avaient autrefois célébré Mme  de La Fayette ou Mme  d’Aguesseau.