vait jamais été une nature bien sensuelle : elle n’avait que l’ambition du cœur et l’orgueil de l’esprit. Elle avait un immense besoin que le monde s’occupât d’elle : sous une forme inattendue, ce besoin allait être satisfait. Elle aimait à parler d’amour ; ce mot chéri allait déborder plus que jamais de ses lèvres, et des foules entières affluaient déjà à ses pieds.
« Où est dans tout cela le secret mobile ? C’est l’amour-propre, toujours l’amour-propre, dont le ressort se rêvât, se retourne, et a l’air de jouer en sens inverse contre lui-même. Mais tout dépend en définitive du même cordon de sonnette que tire le moi.
« En doutez-vous ? Elle va nous l’avouer elle-même et laisser échapper son orgueil, son ivresse de sainte, sous les semblants de l’humilité : « On ne peut méconnaître, écrivait-elle d’Aarau (en avril 1816), les grandes voies de miséricorde du Dieu qui veut, avant les grands châtiments, faire avertir son peuple et sauver ce qui peut être sauvé. Il donne à tout ce monde un tel attrait pour moi, un tel besoin de m’ouvrir leur cœur, de me demander conseil, de me confier toutes leurs peines, enfin un tel amour, qu’il n’est pas étonnant que les gouvernements qui ne connaissent pas l’immense puissance que le Seigneur accorde aux plus misérables créatures qui ne veulent que sa gloire et le bonheur de leurs frères, n’y comprennent rien. Plus la terre s’enfuit sous nos pas, plus je méprise, plus je hais ce que les hommes ambitionnent, et plus j’ai de pouvoir sur leur cœur. » La voilà telle qu’elle était dès l’origine : régner sur les cœurs, en se déclarant une misérable créature ; voir à sa porte servantes et duchesses, comme elle dit, et empereur ; se croire en toute humilité l’organe divin, l’instrument choisi, à la fois vil et préféré, que lui faut-il de plus ? et n’est-ce pas la gloire d’amour dans son plus délicieux raffinement ? »
C’est à peu près ainsi, j’imagine, que raisonnerait, en