rieur, et que l’autre, dans la réplique qui suit, a beau renchérir, il ne l’atteint pas. Mais bientôt Daphnis reprend l’avantage, et le seul couplet que voici serait assez pour lui assurer le triomphe : « Je ne souhaite point d’avoir la terre de Pélops, je ne souhaite point d’avoir des talents d’or, ni de courir plus vite que les vents ; mais, sous cette roche que voilà, je chanterai t’ayant entre mes bras, regardant nos deux troupeaux confondus, et devant nous la mer de Sicile ! » Voilà ce que j’appelle le Raphaël dans Théocrite : trois lignes simples, et l’horizon bleu qui couronne tout.
La traduction même que j’ai donnée est bien impuissante ; car dans le dernier vers du poète, grâce à l’heureuse liaison des mots, c’est à la fois le troupeau qui descend vers la mer de Sicile, et le regard du berger qui s’y dirige insensiblement ; tout cela est dit ensemble : tout va d’un même mouvement vers cette mer et s’y confond.
Il n’y a plus après cela qu’à glaner deux ou trois jolis passages encore. Ménalcas, qui vient de gronder son chien endormi, dit à ses brebis, avec ce naturel de langage qui anime toute chose : « Les brebis, ne soyez point paresseuses, vous autres, à vous rassasier d’herbe tendre ; vous n’aurez pas grand’peine pour la faire repousser de nouveau. » – Daphnis, à l’une de ses répliques d’amour, dira : « Et moi aussi, hier, une jeune fille aux sourcils joints, me voyant du bord de l’antre passer tout le long avec mes génisses, se mit à dire : « Qu’il est beau ! qu’il est beau ! » Malgré cela, je ne lui répondis pas une parole amère ; mais, baissant les yeux à terre, j’allai mon chemin. » Ici l’enfant rentre bien dans son rôle ; il parle avec sa pudeur ingénue et encore sauvage, considérant cette parole flatteuse de la jeune fille comme une manière d’offense. Le moment où Daphnis obtient le prix, et où le chevrier le déclare vainqueur, est une fin délicieuse, et qui achève le tableau : « L’enfant bondit et battit des mains de joie d’avoir vaincu, comme un faon de biche qui bondirait vers sa