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ambassadeur ; il n’eut pas plus l’un que l’autre, – ni la fleur, ni le Chapeau.


(G). Nous donnerons, pour être complet, le texte même de cette lettre :

« Aux auteurs du Journal de Paris.
« Paris, le 22 octobre 1787.
« Messieurs,

« Les Lettres de Mlle  Aïssé, que vous annoncez dans votre journal du 13 de ce mois, ont donné lieu à quelques réflexions qu’il n’est pas inutile de communiquer au public. Il est trop souvent abusé par des recueils de lettres ou d’anecdotes que l’on altère sans scrupule ; mais ces petites supercheries, bonnes pour amuser la malignité, ne sauraient être indifférentes à un lecteur honnête, surtout lorsqu’elles peuvent compromettre des personnages respectables et faire quelque tort aux auteurs dont on veut honorer la mémoire. Les Lettres de Mlle  Aïssé se lisent avec plaisir ; les personnes dont elle parle, les sociétés célèbres qu’elle rappelle à notre souvenir, sa sensibilité, ses malheurs causés par une passion violente et d’autant plus funeste qu’elle tue souvent ceux qui l’éprouvent sans intéresser à leur sort, tout cela, messieurs, devait sans doute exciter la curiosité de ceux qui aiment ces sortes d’ouvrages. Mais pourquoi l’éditeur de ces Lettres les a-t-il gâtées par de fausses anecdotes qui rendent Mlle  Aïssé très-peu estimable ? Pourquoi lui avoir fait tenir un langage qui contraste visiblement avec son caractère ? A-t-elle pu penser de l’homme qui l’avait tirée du vil état d’esclave, et de la femme qui l’avait élevée, le mal que l’on trouve dans le recueil que l’on vient de publier ? Non, messieurs, cela est impossible, et voici mes raisons : Mme de Ferriol servait de mère à Mlle  Aïssé ; elle avait mêlé son éducation à celle de ses enfants. Inquiète sur le sort de cette jeune étrangère, elle était sans cesse occupée du soin de faire son bonheur : de son côté, Mlle  Aïssé, dont le cœur était aussi bon que sensible, avait pour M. et Mme  de