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s’est passé sur cette affaire, que j’ay jugé à propos d’adresser à mon frère, de peur de vous fatiguer par une aussy longue et ennuyeuse lecture.

« Je suis, avec toute sorte d’attachement et de respect,
« Monsieur,
« Votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé : Ferriol. »

Ainsi il résulte de ces pièces que lorsque M. de Ferriol revint en France dans l’été de 1711, âgé de soixante-quatre ans, il avait été déjà atteint d’apoplexie, et assez gravement pour être réputé fou et interdit pendant quelque temps : son rappel s’ensuivit aussitôt. Même lorsqu’il fut guéri, il resta toujours un vieillard quelque peu singulier, ayant gardé de certains tics amoureux, mais, somme toute, de peu de conséquence.

Le Journal inédit de Galland, publié dans la Nouvelle Revue encyclopédique (Firmin Didot, février 1847), rapporte de nouveaux détails sur la frénésie de M. de Ferriol, notamment cette particularité inimaginable :

« Lundi, 6 octobre (1710). – J’avois oublié de marquer le jour ci-devant, écrit le consciencieux Galland, ce que j’avois appris de M. Brue, qui est que M. de Ferriol, ambassadeur à Constantinople, s’étoit mis en tête de devenir cardinal, et qu’il y avoit douze ans qu’il avoit donné une instruction à M. Brue, son frère, en l’envoyant à la Cour, pour passer ensuite en Italie, afin de jeter à Rome les premières dispositions de son dessein de parvenir à la pourpre romaine. C’est pour cela que Mme de Ferriol, qui savoit que son beau-frère étoit dans le même dessein plus fort que jamais, et qu’au lieu de revenir en France il méditoit d’aborder en Italie et de se rendre à Rome, étoit venue trouver M. Brue à onze heures du soir, la veille de son départ, et le prier de faire en sorte de se rendre maître de l’esprit de M. de Ferriol et de le ramener en France, afin de le détourner d’aborder en Italie. »

Il en fut de ce chapeau de cardinal comme de la beauté de Mlle Aïssé que convoitait également le malencontreux