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fonctions pour en revêtir ledit sieur Belin, lequel, se voyant le maître avec le chevalier Gesson, se saisirent de ma personne le 27e, me mirent en prison dans une chambre, chassèrent mes domestiques affectionnés, et s’emparèrent de mes papiers et de mes effects, ne me donnant la liberté de voir personne que quelques religieux affidés. J’ay été dans ce triste estat plus d’un mois entier, d’où je crois que je ne serois pas sorti sans M. l’ambassadeur d’Holande, lequel m’ayant rendu visite et m’ayant trouvé avec ma santé et mon esprit ordinaires, fit tant de bruit du traitement qu’on me faisoit, qu’il me fut permis, après l’attestation que j’eus des médecins du parfait rétablissement de ma santé, d’assembler la nation, laquelle, sollicitée par le sieur Belin, et pour se mettre à couvert du blâme de la première délibération qu’elle avoit signée, ne voulut jamais me reconnoître qu’après m’avoir forcé d’aprouver ladite délibération par un acte que je fus obligé de signer le 1er  du mois d’aoust dernier, pour obtenir ma liberté et reprendre les fonctions d’ambassadeur.

« Comme ces deux délibérations et la première attestation des médecins sont des actes injurieux non-seulement à ma personne, mais encore à l’honneur du caractère dont je suis revêtu, je vous supplie très humblement, monsieur, d’avoir la bonté de faire ordonner par Sa Majesté qu’ils soient annulés et déchirés. A l’égard de la réparation qui m’est deue, je me remets à ce qu’il plaira à Sa Majesté d’en ordonner. Les deux personnes dont j’ay le plus à me plaindre sont les sieurs Meinard, premier député de la nation, et le sieur Belin, mon chancelier : pour le chevalier Gesson, mon parent, je sauray bien le mettre à la raison.

« J’avois d’abord cru que le grand visir estoit entré dans cette affaire ; mais j’ay appris au contraire qu’il avoit détesté le procédé de la nation et de mes domestiques ; et depuis que je suis rentré dans les fonctions d’ambassadeur, il ne m’a rien refusé de tout ce que je luy ay demandé, tant pour l’extraction des bleds que pour les autres affaires que j’ay eu à traiter avec luy ; et s’il en avoit toujours usé de même, je n’aurois eu aucun lieu de m’en plaindre.

« J’ay fait une espèce de procès verbal sur tout ce qui