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GABRIEL  NAUDÉ


Il me semble difficile, lorsqu’on est arrivé en quelque endroit nouveau, en quelque coin du monde, pour s’y établir et y vivre quelque temps, de ne pas s’enquérir tout d’abord de l’histoire du lieu (et, si obscur, si isolé qu’il soit, c’est bien rare qu’il n’en ait point) : quels hommes y ont passé, s’y sont assis à leur tour ; quels l’ont fondé, donjon ou clocher, maison d’étude ou de prière ; quels y ont gravé leur nom sur le mur, ou seulement y ont laissé un vague écho dans les bois. Ce passé une fois ressaisi, ces hôtes invisibles et silencieux une fois reconnus, on jouit mieux, ce semble, du séjour, on le possède alors véritablement, et le Genius loci, que notre hommage a rendu propice, anime doucement chaque objet, y met l’âme secrète, et accompagne désormais tous nos pas. Ainsi surtout doit-on faire s’il s’agit d’un lieu de quelque renom, d’une fondation destinée précisément à perpétuer la mémoire des hommes et des choses. C’est ce que je n’ai eu garde de négliger pour notre bibliothèque Mazarine, depuis qu’un indulgent loisir m’y a fait asseoir, et que le régime du plus aimable des administrateurs[1] nous y rend les douceurs d’Évandre ; je me suis senti sollicité du premier jour à rechercher l’histoire des prédécesseurs. Un de ces derniers, M. Petit-Radel, a écrit fort savamment (je dirais peut-être un autre mot si ce n’était, lui aussi, un ancêtre) l’historique de l’établissement qu’il administrait. Fon-

  1. M. de Feletz.