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plaisanter : on croit voir rire l’Enfer : il est moins effrayant quand il hurle. »

Le règlement des prisons destinées à enfermer les suspects les accuse d’un crime tout nouveau, d’être coalisés de VOLONTÉ avec les ennemis de la république ; sur quoi l’auteur ajoute : « Caligula ne punissait que les rêves, il oublia les désirs ! »

Le 1er  septembre 1793, tout d’un coup, en vertu d’une détermination soudaine, à minuit, on tire les détenus de prison et on les transporte sur des charrettes de Chambéry à Grenoble, où ils manquent en arrivant d’être massacrés par la populace. Puis un autre caprice les ramène de Grenoble à Chambéry : le 9 thermidor les sauve : « Sans le 9 thermidor, dit l’auteur du mémoire, c’est une opinion universelle dans le département du Mont-Blanc, tous les prisonniers devaient être égorgés. »

Dans un moment si terrible, il arriva ce qui devait arriver : tous ceux qui purent s’échapper le firent et se réfugièrent soit en Piémont, soit en pays neutre. Et ici l’auteur invoquant les actes mêmes de la Convention après le 9 thermidor, démontre que ces émigrés par force majeure ne sont pas des émigrés.

Redevenue libre, la Convention, dans sa séance du 9 mars 1795, disait anathème au coup d’État du 31 mai qui avait proscrit les prétendus fédéralistes. – Une nouvelle loi (celle du 22 prairial) vint au secours des malheureux qui n’avaient fui la terre de liberté que pour échapper à la hache de Robespierre : elle rappelait ceux qui s’étaient soustraits depuis le 31 mai 93.

L’auteur discute avec fermeté et éloquence pour réclamer le bénéfice de cette loi en faveur des prétendus émigrés savoisiens. Il s’adresse, en terminant, aux Conseils, il apostrophe le Directoire exécutif et le rappelle à la clémence et à la justice au début d’un régime nouveau. M. de Maistre est ici le Lally-Tolendal de sa contrée, comme dans son pam-