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pas le nôtre, mais une espèce d’ingénieur du Prince, et qu’il s’agit de capter en tout honneur : une boîte d’or avec portrait de Sa Majesté paraît produire un effet merveilleux. A travers cela, et dans les intervalles après tout assez monotones, l’occupation favorite de Léonard était la composition d’un roman sentimental intitulé Lettres de deux Amants de Lyon (Thérèse et Faldoni), qu’il ne publia qu’à son retour, en France et qui eut dans le temps un succès de larmes. Sous une forme détournée, il y caressait encore le souvenir de ses propres douleurs. L’épigraphe qu’il emprunte à Valère-Maxime déclare tout d’abord sa pensée : « Du moment qu’on s’aime de l’amour à la fois le plus passionné et le plus pur, mieux vaut mille fois se voir unis dans la mort que séparés dans la vie. »

Je crois pouvoir rapporter aussi à ce séjour de Liège la jolie pièce intitulée le Nouveau Philémon, où figurent

Deux ermites voisins des campagnes belgiques.

C’est une variante et un peu une parodie de la métamorphose du Philémon et Baucis de La Fontaine. On dirait qu’un grain de gaieté flamande s’y fait sentir. Une versification familière et charmante, tout à fait digne de Gresset, amène, en se jouant, de spirituels détails dans un ton de malice adoucie. On y voit quelle devait être la nuance d’esprit de l’aimable auteur, quand il s’égayait.

Quelques idylles et poésies champêtres, composées en ces mêmes années, s’ajoutèrent à une nouvelle et assez jolie édition que donna Léonard (La Haye, 1782). Cette publication littéraire amena un petit incident diplomatique, un cas d’étiquette que je ne veux pas omettre ; et, puisque je suis aux sources officielles, voici in extenso la grave dépêche du ministre plénipotentiaire, Sabatier de Cabre, au comte de Vergennes (2 janvier 1782) :

« M. Léonard avait présenté la nouvelle édition de ses Pastorales au Prince-Évêque, qui fait autant de cas de sa per-