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« Il y a toujours dans Voltaire, au bout d’une habile main, un laid visage. »

« Voltaire connut la clarté, et se joua dans la lumière, mais pour l’éparpiller et en briser tous les rayons comme un méchant. »

Je ne me lasserais pas de citer ; et pour le style, pour la poésie de Voltaire, il n’est pas plus dupe que pour le caractère de sa philosophie :

« Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne peut pas s’y fixer, ni même s’y arrêter un peu de temps. »

« Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament ; comme la franchise au caractère.

« On peut l’aimer, mais on ne doit pas l’exiger.

« Voltaire l’avait, les anciens ne l’avaient pas. »

Le style de son temps, du xviiie siècle, ne lui paraît pas l’unique dans la vraie beauté française :

« Aujourd’hui le style a plus de fermeté, mais il a moins de grâce ; on s’exprime plus nettement et moins agréablement ; on articule trop distinctement, pour ainsi dire. »

Il se souvient du xvie, du xviie siècle et de la Grèce ; il ajoute avec un sentiment attique des idiotismes :

« Il y a, dans la langue française, de petits mots dont presque personne ne sait rien faire. »

Ce Gil Blas, que Fontanes lui citait, n’était son fait qu’à demi :

« On peut dire des romans de Le Sage, qu’ils ont l’air d’avoir été écrits dans un café, par un joueur de dominos, en sortant de la comédie. »

Il disait de La Harpe : « La facilité et l’abondance avec lesquelles La Harpe parle le langage de la critique lui donnent l’air habile, mais il l’est peu. »

Il disait d’Anacharsis : « Anacharsis donne l’idée d’un beau livre et ne l’est pas. »