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M. d’Oigny et M. de Murville, concouraient pour le prix de vers à l’Académie française. Quelques jours avant le terme de clôture fixé pour la réception des pièces, M. d’Oigny va trouver M. de Fontanes et lui dit : « Je concours pour le prix, mais ma pièce n’est pas encore faite, il y manque une soixantaine de vers ; je n’ai pas le temps, faites-les-moi. » Et M. de Fontanes les lui fît. M. de Murville, sachant cela, accourt à son tour vers M. de Fontanes : « Ne me refusez pas, je vous en prie, le même service. » Et le service ne fut pas refusé. On ajoute que les passages des deux pièces, que cita avec éloge l’Académie, tombèrent juste aux vers de Fontanes.

Ce que M. de Fontanes, poëte, était en 1778, il l’était encore en 1814 et 1815 ; l’anecdote, au besoin, peut servir de clef[1]. – Les sentiments, en tout temps publiés ou consignés

  1. Fontanes, littérateur, aimait l’anonyme ou même, le pseudonyme. Il publia la première fois sa traduction en vers du passage de Juvénal sur Messaline sous le nom de Thomas, et, pour soutenir le jeu, il commenta le morceau avec une part d’éloges. Il essaya d’abord ses vers sur la Bible en les attribuant à Le Franc de Pompignan. Je trouve (dans le catalogue imprimé de la bibliothèque de M. de Châteaugiron) une brochure intitulée Des Assassinats et des Vols politiques, ou des Proscriptions et des Confiscations, par Th. Raynal (1795), avec l’indication de Fontanes, comme en étant l’auteur sous le nom de Raynal ; mais ici il y a erreur : l’ouvrage est de Servan. Dans les Petites Affiches ou feuilles d’annonces du 1er thermidor an VI, se trouvent des vers sur une violette donnée dans un bal :

    Adieu, Violette chérie,
    Allez préparer mon bonheur…

    La pièce est signée Senatnof, anagramme de Fontanes. Dans le Journal littéraire, où il fut collaborateur de Clément, il signait L, initiale de Louis. Il deviendrait presque piquant de donner le catalogue des journaux de toutes sortes auxquels il a participé, tantôt avec Dorat (Journal des Dames), tantôt avec Linguet ou ses successeurs (Journal de Politique et de Littérature), tantôt, et je l’ai dit, avec Clément. Avant d’être au Mémorial avec La Harpe et Vauxcelles, il fut un moment à la Clef du Cabinet avec Garat. On n’en finirait pas, si l’on voulait tout rechercher : il serait presque aussi aisé de savoir le compte des journaux où Charles Nodier a mis des articles, et il y faudrait