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che, de consolants et affectueux articles de M. Vinet[1] exprimèrent l’admiration sans réserve et bien flatteuse d’un lecteur sérieux, complétement séduit.


À des endroits un peu moins antédiluviens, et où nous nous sentirions plus à même de prendre parti, il nous semble que Nodier, érudit, ne triomphe jamais plus sûrement, ne s’ébat jamais avec une plus heureuse licence qu’en plein xvie siècle, en cette époque de liberté, de fantaisie aussi et de vaste bigarrure, et de style français déjà excellent. Il est de son mieux quand il disserte à fond sur le Cymbalum mundi, et la réhabilitation de Bonaventure des Periers peut en ce genre passer pour son chef-d’œuvre, à moins qu’on ne le préfère discourant, après Naudé, sur les Mazarinades, et épuisant la théorie des deux éditions du Mascurat.

Pour revenir, est-ce aller trop loin que de croire de Nodier bibliographe, lexicographe et philologue, qu’après tout, l’élève du chevalier Croft garda toujours quelque chose de lui, et que même pour les doctes excentricités qu’il jugeait en souriant et que depuis il nous a peintes, il s’en inocula dès lors quelques-unes avec originalité ?  En attendant, il est curieux de voir comme, dès 1812, son butin se grossit, comme sa pacotille encyclopédique se bigarre et s’amasse. Encore un moment, encore le voyage d’Illyrie, et nous posséderons Nodier au complet, avec tous ses piquants romantismes et dilettantismes.

Comptons un peu et récapitulons, comme par le trou du kaléidoscope, quelques points au hasard dans l’étincelant pêle-mêle d’idéal qui survivra. Il aime, il caresse d’imagination les proscrits, les brigands héroïques, les grands destins avortés, les lutins invisibles, les livres anonymes qui ont besoin d’une clef, les auteurs illustres cachés sous l’anagramme, les patois persistants à l’encontre des langues souveraines, tous les recoins poudreux ou sanglants de raretés

  1. Essais de Philosophie morale.