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LA BRUYÈRE


Vers 1687, année où parut le livre des Caractères, le siècle de Louis XIV arrivait à ce qu’on peut appeler sa troisième période ; les grandes œuvres qui avaient illustré son début et sa plus brillante moitié étaient accomplies ; les grands auteurs vivaient encore la plupart, mais se reposaient. On peut distinguer, en effet, comme trois parts dans cette littérature glorieuse. La première, à laquelle Louis XIV ne fit que donner son nom et que prêter plus ou moins sa faveur, lui vint toute formée de l’époque précédente ; j’y range les poëtes et les écrivains nés de 1620 à 1626, ou même avant 1620, La Rochefoucauld, Pascal, Molière, La Fontaine, madame de Sévigné. La maturité de ces écrivains répond ou au commencement ou aux plus belles années du règne auquel on les rapporte, mais elle se produisait en vertu d’une force et d’une nourriture antérieures. Une seconde génération très-distincte et propre au règne même de Louis XIV, est celle en tête de laquelle on voit Boileau et Racine, et qui peut nommer encore Fléchier, Bourdaloue, etc., etc., tous écrivains ou poëtes, nés à dater de 1632, et qui débutèrent dans le monde au plus tôt vers le temps du mariage du jeune roi. Boileau et Racine avaient à peu près terminé leur œuvre à cette date de 1687 ; ils étaient tout occupés de leurs fonctions d’historiographes. Heureusement, Racine allait être tiré de son silence de dix années par madame de Maintenon. Bossuet