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devra être replacé au véritable endroit de sa chute. M. Colin a vivement reproduit ses traits sur la toile. M. Cousin lui a dédié sa traduction des Lois de Platon, se souvenant que Farcy était mort en combattant pour les lois. Et nous, nous publions ses vers, comme on expose de pieuses reliques[1].

  1. Deux poëtes généreux et délicats, dont l’un avait connu Farcy et dont l’autre l’avait vu seulement, MM. Antony Deschamps et Brizeux, ont consacré à sa mémoire des vers que nous n’avons garde d’omettre dans cette liste d’hommages funèbres. Voici ceux de M. Deschamps :

    Que ne suis-je couché dans un tombeau profond,
    Percé comme Farcy d’une balle de plomb,
    Lui dont l’âme était pure, et si pure la vie,
    Sans troubles ni remords également suivie !
    Lui qui, lorsque j’étais dans l’île Procida,
    Sur le bord de la mer un matin m’aborda,
    Me parla de Paris, de nos amis de France,
    De Rome qu’il quittait, puis de quelque souffrance…
    Et s’asseyant au seuil d’une blanche maison,
    Lut dans André Chénier : Ô Sminthée Apollon !
    Et quand il eut fini cette belle lecture,
    Ému par le climat et la douce nature,
    Se leva brusquement, et me tendant la main,
    Grimpa, comme un chevreau, sur le coteau voisin.

    M. Brizeux a dit :
    A LA MÉMOIRE DE GEORGE FARCY.

    Il adoraitet la Philosophie.
    La France, la Poésie et la Philosophie.
    Que la patrie conserve son nom !hie
    (Victor Cousin.) nom !

    Oui ! toujours j’enviai, Farcy, de te connaître,
    Toi que si jeune encore on citait comme un maître.
    Pauvre cœur qui d’un souffle, hélas ! t’intimidais,
    Attentif à cacher l’or pur que tu gardais !
    Un soir, en nous parlant de Naple et de ses grèves,
    Beaux pays enchantés où se plaisaient tes rêves,
    Ta bouche eut un instant la douceur de Platon ;
    Tes amis souriaient,… lorsque, changeant de ton,
    Tu devins brusque et sombre, et te mordis la lèvre,
    Fantasque, impatient, rétif comme la chèvre !
    Ainsi tu te plaisais à secouer la main
    Qui venait sur ton front essuyer ton chagrin.