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« Eh bien ! je vous le promets, dit-elle en souriant ; soyez donc sage. » Et Ghérard le lui jura, en baisant sa main qu’il pressa sur son cœur. »

Durant les deux derniers mois de sa vie, Farcy avait loué une petite maison dans le charmant vallon d’Aulnay, près de Fontenay-aux-Roses où l’appelaient ses occupations. Cette convenance, la douceur du lieu, le voisinage des bois, l’amitié de quelques habitants du vallon, peut-être aussi le souvenir des noms célèbres qui ont passé là, les parfums poétiques que les camélias de Chateaubriand ont laissés alentour, tout lui faisait d’Aulnay un séjour de bonne, de simple et délicieuse vie. Il réalisait pour son compte le vœu qu’un poëte de ses amis avait laissé échapper autrefois en parcourant ce joli paysage :

Que ce vallon est frais, et que j’y voudrais vivre !
Le matin, loin du bruit, quel bonheur d’y poursuivre
Mon doux penser d’hier qui, de mes doigts tressé,
Tiendrait mon lendemain à la veille enlacé !
Là, mille fleurs sans nom, délices de l’abeille ;
Là, des prés tout remplis de fraise et de groseille ;
Des bouquets de cerise aux bras des cerisiers ;
Des gazons pour tapis, pour buissons des rosiers ;
Des châtaigniers en rond sous le coteau des aulnes ;
Les sentiers du coteau mêlant leurs sables jaunes
Au vert doux et touffu des endroits non frayés,
Et grimpant au sommet le long des flancs rayés ;
Aux plaines d’alentour, dans des foins, de vieux saules
Plus qu’à demi noyés, et cachant leurs épaules
Dans leurs cheveux pendants, comme on voit des nageurs ;
De petits horizons nuancés de rougeurs ;
De petits fonds riants, deux ou trois blancs villages
Entrevus d’assez loin à travers des feuillages ;
Oh ! que j’y voudrais vivre, au moins vivre un printemps,
Loin de Paris, du bruit des propos inconstants,
Vivre sans souvenir !……

Dans cette retraite heureuse et variée, l’âme de Farcy s’en-