Non, il n’est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s’en aller bien loin, au delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balançant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Baïa, aux pieds d’une Elvire ou d’une Guiccioli. Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. Et le bon Ducis, qui demeura lui-même à Auteuil, comme il aime aussi et comme il peint les petits fonds riants et les revers de coteaux ! « J’ai fait une lieue ce matin, écrit-il à l’un de ses amis, dans les plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs et qui chantent. » Rien de tout cela chez Boileau. Que fait-il donc à Auteuil ? Il y soigne sa santé, il y traite ses amis
années auparavant (1677), dans l’Épître à M. de Lamoignon, le poëte avait fait une description charmante de la campagne d’Hautile près La Roche-Guyon, où il était allé passer l’été chez son neveu Dongois. Il y peignait, en homme qui en sait jouir, les fraîches délices des champs, les divers détails du paysage ; c’est là qu’il est question de saules non plantés,