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(Je te choisirai moi-même les graines que tu aimes, et mon bec s’entrelacera dans le tien.)


L’autre a dit à sa sœur : Ma sœur, une fontaine
Coule dans ce bosquet…

(L’oie ni le canard n’en ont jamais souillé les eaux, ni leurs cris… Viens, nous y trouverons une boisson pure, et nous y baignerons notre tête et nos ailes, et mon bec ira polir ton plumage. — Elles vont, elles se promènent en roucoulant au bord de l’eau ; elles boivent, se baignent, mangent ; puis, sur un rameau, leurs becs s’entrelacent : elles se polissent leur plumage l’une à l’autre).

Le voyageur, passant en ces fraîches campagnes,
Dit[1] : Ô les beaux oiseaux ! ô les belles compagnes !
Il s’arrêta longtemps à contempler leurs jeux ;
Puis, reprenant sa route et les suivant des yeux,
Dit : Baisez, baisez-vous, colombes innocentes,
Vos cœurs sont doux et purs, et vos voix caressantes ;
Sous votre aimable tête, un cou blanc, délicat,
Se plie, et de la neige effacerait l’éclat. »

L’édition de 1833 (tome II, page 339) donne également cette épitaphe d’un amant ou d’un époux, que je reproduis, en y ajoutant les lignes de prose qui éclairent le dessein du poëte :

Mes mânes à Clytie. — Adieu, Clytie, adieu.
Est-ce toi dont les pas ont visité ce lieu ?
Parle, est-ce toi, Clytie, ou dois-je attendre encore ?
Ah ! si tu ne viens pas seule ici, chaque aurore,
Rêver au peu de jours où j’ai vécu pour toi,
Voir cette ombre qui t’aime et parler avec moi,

    dré : elle tient le milieu, pour la rapidité, entre la lenteur un peu avare des poëtes sous Louis XIV et le train de Mazeppa d’aujourd’hui.

  1. Ce voyageur est-il le même que le berger du commencement ?  ou entre-t-il comme personnage dans la chanson du berger ?  Je le croirais plutôt, mais ce n’est pas bien clair.