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qu’il imite en même temps d’Argentarius. La petite épitaphe qui commence par ce vers :

Bergers, vous dont ici la chèvre vagabonde, etc.[1],

est traduite (ce qu’on n’a pas dit) de Léonidas de Tarente. En comparant et en suivant de près ce qu’il rend avec fidélité, ce qu’il élude, ce qu’il rachète, on voit combien il était pénétré de ces grâces. Ses papiers sont couverts de projets d’imitations semblables. En lisant une épigramme de Platon sur Pan qui joue de la flûte, il en remarque le dernier vers où il est question des Nymphes hydriades ; je ne connaissais pas encore ces nymphes, se dit-il ; et on sent qu’il se propose de ne pas s’en tenir là avec elles. Il copie de sa main une épigramme de Myro la Byzantine qu’il trouve charmante, adressée aux Nymphes hamadryades par un certain Cléonyme qui leur dédie des statues dans un lieu planté de pins. Ainsi il va quêtant partout son butin choisi. Tantôt, ce sont deux vers d’une petite idylle de Méléagre sur le printemps :

L’alcyon sur les mers, près des toits l’hirondelle,
Le cygne au bord du lac, sous le bois Philomèle ;

tantôt, c’est un seul vers de Bion (Épithalame d’Achille et de Déidamie) :

Et les baisers secrets et les lits clandestins ;

il les traduit exactement et se promet bien de les enchâsser quelque part un jour[2]. Il guettait de l’œil, comme une tendre proie, les excellents vers de Denys le géographe, où celui-ci peint les femmes de Lydie dans leurs danses en l’honneur de Bacchus, et les jeunes filles qui sautent et bondissent comme des faons nouvellement allaités,

… Lacte mero mentes perculsa novellas ;

  1. Ibid., page 327.
  2. À mesure qu’il en augmente son trésor, il n’est pas toujours