Suivant André Chénier, l’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète ; mais cette pensée si vraie ne le détournait pas, aux heures de calme et de paresse, d’amasser par des études exquises l’or et la soie qui devaient passer en ses vers. Lui-même nous a dévoilé tous les ingénieux secrets de sa manière dans son poème de l’Invention, et dans la seconde de ses épîtres, qui est, à la bien prendre, une admirable satire. L’analyse la plus fine, les préceptes de composition les plus intimes, s’y transforment sous ses doigts, s’y couronnent de grâce, y reluisent d’images, et s’y modulent comme un chant. Sur ce terrain critique et didactique, il laisse bien loin derrière lui Boileau et le prosaïsme ordinaire de ses axiomes. Nous n’insisterons ici que sur un point. Chénier se rattache de préférence aux Grecs, de même que Regnier aux Latins et aux satiriques italiens modernes. Or chez les Grecs, on le sait, la division des genres existait, bien qu’avec moins de rigueur qu’on ne l’a voulu établir depuis :
La nature dicta vingt genres opposés,
D’un fil léger entre eux, chez les Grecs, divisés.
Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites,
N’aurait osé d’un autre envahir les limites ;
Et Pindare à sa lyre, en un couplet bouffon,
N’aurait point de Marot associé le ton.