Or moy qui suis tout flame et de nuict et de jour,
Qui n’haleine que feu, ne respire qu’amour,
Je me laisse emporter à mes flames communes,
Et cours souz divers vents de diverses fortunes.
Ravy de tous objects, j’ayme si vivement
Que je n’ay pour l’amour ny choix ny jugement.
De toute eslection mon ame est despourveue,
Et nul object certain ne limite ma veue.
Toute femme m’agrée…
Aymer en trop haut lieu une dame hautaine,
C’est aymer en souci le travail et la peine,
C’est nourrir son amour de respect et de soin.
Mais aux jours les plus beaux de la saison nouvelle,
Que Zéphire en ses rets surprend Flore la belle,
Que dans l’air les oiseaux, les poissons en la mer,
Se plaignent doucement du mal qui vient d’aymer,
Ou bien lorsque Cérès de fourment se couronne,
Ou que Bacchus soupire amoureux de Pomone,
Ou lorsque le safran, la dernière des fleurs,
Dore le Scorpion de ses belles couleurs ;
C’est alors que la verve insolemment m’outrage,
Que la raison forcée obéit à la rage.