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MADAME DE LA FAYETTE. 255

M. le chevalier de Sévigné, et qui demeuroit en Anjou avec son mari, m’y vint voir et y amena Mlle de La Vergne, sa fille, qui est présentement Mme de La Fayette. Elle étoit fort jolie et fort aimable, et elle avoit de plus beaucoup d’air de Mme de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup, et la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu’elle n’eût pas d’inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son beau-père lui avoient donnée dès Paris même, avec application, de mes inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité qui m’étoit assez naturelle... » Mlle de La Vergne, âgée de vingt ans, n’eut besoin que de sa raison pour tenir peu de compte au prisonnier entreprenant de ce caprice désœuvré et banal, si vite consolé.

Mariée en 1635 au comte de La Fayette, ce qu’il y eut probablement de plus remarquable et de plus d’accord avec l’imagination dans ce mariage, ce fut qu’elle devint ainsi la belle-sœur de la Mère Angélique de La Fayette, supérieure du couvent de Chaillot, autrefois fille d’honneur d’Anne d’Autriche, et dont les parfaites amours avec Louis XIII composent un roman chaste et simple, tout semblable à ceux que représente Mme de Clèves. Son mari, après lui avoir donné le nom qu’elle allait illustrer, et qu’une si tendre lueur décorait déjà, s’efface et disparaît de sa vie, pour ainsi dire ; on n’apprend plus rien de lui qui le distingue (1). Elle en eut deux fils qu’elle aimait beaucoup, l’un militaire, dont l’établissement l’avait fort occupée, et qui mourut peu de temps après elle, et un autre, l’abbé de La Fayette, pourvu de bonnes abbayes, et dont on sait surtout qu’il prêtait négligemment les manuscrits de sa mère et les perdait. Mme de La Fayette fut introduite jeune à l’hôtel de Rambouillet, et elle y apprit beaucoup de la marquise. M. Rœ

(1) « Il y a telle femme qui anéantit ou qui enterre son mari au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention : vit-il encore, ne vit-il plus ? on en doute... » (La Bruyère, des Femmes.)