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M. BALLA]NCHE. A a une telle unité dans la carrière de M. Ballanche, l’évolution de ce beau et difficile génie est tellement spontanée dans sa lenteur, que c’est un charme infini de le suivre à travers les essais et les préparations, tandis qu’il s’ignorait encore lui-même. Son imagina- tion, d’abord nourrie de religieuses et sentimentales lectures, et tempérant Pascal par Fénelon et par Vir- gile, se plaisait aux fables grecques, au monde de Py- thagore, d’Orphée et d’Homère. Les initiations égyp- tiennes, auxquelles il n’attachait pas tout le sens que plus tard jl y a vu, l’attiraient vaguement à leurs pro- fondeurs. La noble figure d’Antigone lui souriait depuis longtemps comme une compagne d’enfance. La sensi- bilité du jeune homme se portait de préférence vers ce qui était triste et pur, expiatoire et clément. Quand l’idée philosophique vint à naître chez M. Ballanche, elle trouva donc toutes ces belles formes éparses, ces antiques images déjà préparées; quand le Dieu parut, il y avait des marbres et des statues pour un temple. Au souffle immense sorti des événements, ces marbres remuèrent comme au son d’une lyre; la philosophia de M. Ballanche se mit à se construire et à s’ordonner d’elle-même, comme les philosophies antiques, comme les murs des Thèbes sacrées. — Mais tout ceci mérite d’être repris avec détail. Pierre-Simon Ballanche est né à Lyon en 1776. Son enfance et sa première jeunesse furent souffrantes, va- létudinaires et casanières. Vers l’âge de dix-huit ans, il resta trois années entières sans sortir; il n’était pas seul pourtant, et avait toujours nombreuse compagnie de