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PORTRAITS CONTEMPORAINS.

gèrement vaniteuse, mais pas du tout chimérique, me rend courage pour ces essais, et me réconcilie avec les avantages incomplets, actuellement réalisables, que le critique et biographe attentif peut tirer de sa position près des vivants modèles. Ce sont des matériaux scrupuleux dont il fait choix, et qui serviront plus tard à en contrôler d’autres, aux mains de l’historien définitif. J’ai toujours gardé à M. de Valincour la même rancune que lui témoigne l’honnête Louis Racine pour n’avoir pas laissé quelques pages de renseignements biographiques et littéraires sur ses illustres amis, les poëtes. En échappant de reste pour ma faible part au reproche qu’on a le droit d’adresser à M. de Valincour, je sais qu’il en est un autre tout contraire à éviter. Il serait naïf et d’un empressement un peu puéril de se constituer l’historiographe viager de tout ce qui a un renom, de se faire le desservant de toutes les gloires. Un sentiment plus grave, plus recueilli, a inspiré ces courts et rares essais consacrés à des génies contemporains. Nous n’avons pas indifféremment passé de l’un à l’autre. Un prêtre illustre qui est plus à nos yeux qu’un écrivain, et dont le saint caractère grandit en ce moment dans l’humilité du silence[1] ; un philosophe méconnu[2], qui avait doté notre siècle de naturelles et majestueuses peintures ; puis des poëtes admirés du monde et surtout préférés de nous, comme celui que

  1. Il s’agissait de M. de La Mennais. Quelques-unes de nos louanges, on le voit, étaient en même temps des insinuations et des désirs.
  2. M. de Sénancour.