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CHATEAUBRIAND.

bienséants. C’était l’année des Femmes savantes, avant la dernière heure de Molière[1]. M. de Pomponne entrait aux affaires, et allait prêter à ce noble bon sens du monarque l’élégance de plume d’un Arnauld. Bossuet, orateur glorieux par ses premières oraisons funèbres, docteur déclaré par l’Exposition de la Foi, se vouait à l’éducation du Dauphin. Port-Royal, en ces années sincères de la paix de l’Église, refleurissait et fructifiait de nouveau, avec l’abondance d’un dernier automne. Enfin, dans les obscurs sentiers du Perche, il s’opérait je ne sais quoi d’angélique et qui sentait son premier printemps : « On s’aperçut, dit M. de Chateaubriand, qu’il venait des parfums d’une terre inconnue ; on s’y tournait pour les respirer : l’île de Cuba se décèle par l’odeur des vanilliers sur la côte des Florides. »

De son temps toutefois, Rancé eut aussi ses détracteurs, et il fut contredit par plus d’un adversaire. Je ne parle pas des libelles qui coururent, mais il eut à soutenir des discussions sérieuses et dans lesquelles il ne parut pas toujours avoir raison. J’ai noté jusqu’à trois discussions de ce genre dans lesquelles il eut plus ou moins affaire à des hommes de Port-Royal : la première avec M. Le Roi, abbé de Haute-Fontaine, au sujet d’une pratique monastique que M. Le Roi trouvait excessive et que Rancé favorisait ; la seconde au sujet des études monastiques que Rancé voulait trop restreindre, et dans laquelle Nicole prit naturellement

  1. Oserai-je rappeler encore que c’est en 1672 que Lulli prit en main l’Opéra, et s’y associa Quinault ?