Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
493
GEORGE SAND.

proie à leurs seules émotions naturelles, les deux amants durant cette nuit de périls, d’angoisses et de délices peut-être. Je n’ai point pardonné non plus à Valentine, dans la matinée qui suit la scène du cabinet, d’offrir à M. de Lansac de le suivre partout où il le voudra. Nulle femme, capable d’amour, et qui s’est engagée autant que Valentine vient de le faire avec Bénédict, ne se démentira ainsi du soir au matin : le prétexte du remords n’est pas bon dans un bon roman qui doit ressembler à la vie. En général toute cette fin du livre accumule trop d’événements et compte trop peu sur les situations intérieures.

Ce roman de Valentine, comme on le voit, dont une grande partie a tant d’attrait et de beauté, n’est pas un livre tout à fait excellent ; mais il en promet d’autres, à coup sûr, qui le seront. Valentine promet plus qu’Indiana, parce qu’Indiana, avec plus de profondeur, je crois, et d’originalité, pouvait sembler à la rigueur un de ces romans personnels et confidentiels comme on n’en a qu’un à faire avant de mourir, tandis que Valentine est véritablement l’œuvre d’un romancier peintre du cœur et de la vie, fécond en personnages, et qui n’a qu’à vouloir cheminer un peu patiemment pour arriver jusqu’au bout. Ce que nous demandons ici, l’auteur de Valentine l’a même déjà fait, quoique dans des dimensions moindres. Nous voulons parler d’une nouvelle insérée dans une Revue et intitulée la Marquise. Excepté trois ou quatre pages du commencement, qui, par leur prétention philosophique, forment une entrée en matière assez pénible,