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GEORGE SAND.

chaudron plein d’eau et de son, dans lequel elle prépare à manger à ses canards, et la robe de soie somptueuse dont il s’agit de se revêtir. Athénaïs presse et gronde. Bénédict, qui a fait atteler la carriole, rentre s’asseoir nonchalamment et raille toute cette scène d’un long sourire. Ce sera pourtant une belle fête que celle où il va conduire sa fiancée ; et Athénaïs ne peut manquer d’être la première, la reine du bal, à moins que ces dames du château ne viennent et que Mlle Valentine de Raimbault n’y montre sa pure et noble beauté. Mais Athénaïs et Valentine sont des amies d’enfance ; elles se tutoient, elles se promèneront ensemble devant tous avec une familiarité dont Athénaïs sera plus fière encore qu’elle ne pourrait l’être de se voir la première et sans rivale. Quant à Mme ou Mlle Louise, il est évident, à sa mise négligée, qu’elle n’ira pas. Bénédict laisse voir qu’il aimerait mieux la ferme et la causerie avec Mlle Louise que la bruyante corvée de la fête.

Bénédict n’est pas amoureux de Mlle Louise, bien qu’il se soit mis cela dans la tête depuis deux ou trois jours, et qu’il ait déjà essayé de le lui faire entendre. — Mais ce n’est pas un récit que je veux faire. Suivez-le vous-même à la fête ; conduisez avec lui la carriole dans la traîne si verte, si ombragée, si embaumée ; voyez-le déposer orgueilleusement sa fiancée au milieu d’un cercle d’admirateurs et d’envieux, et se perdre bientôt dans la foule, jusqu’à ce que, la rumeur publique lui annonçant ces dames de Raimbault, il monte, pour les mieux apercevoir, sur une croix de pierre, au