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VICTOR HUGO.

publique par M. Raynouard. Un des amis de Victor, qui assistait à la séance, courut à la pension Cordier avertir le quasi-lauréat, qui était en train d’une partie de barres et ne songeait plus à sa pièce. Victor prit son extrait de naissance et l’alla porter à M. Raynouard, qui fut tout stupéfait comme d’une merveille ; mais il était trop tard pour réparer la méprise[1]. M. François de Neufchâteau, qui avait été aussi dans son temps un enfant précoce, adressa à Victor Hugo des vers de félicitation et de confraternité. On y lisait, entre autres choses :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans ce concours heureux brillaient de toutes parts
Le sentiment, le charme et l’amour des beaux-arts.
Sur quarante rivaux qui briguaient son suffrage,
Est-ce peu qu’aux traits séduisans
De votre muse de quinze ans,
L’Académie ait dit : « Jeune homme, allons ! courage ! »

  1. Je vois que ce récit a été fort contesté dans une publication en deux volumes, les Poëtes lauréats de l’Académie française, recueillis par MM. Edmond Biré et Émile Grimaud (1864). M. Ed. Biré, auteur de l’article qui me réfute, a fort triomphé en m’opposant le récit de la même anecdote littéraire, un peu autrement présentée dans le livre intitulé Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. Il se pourrait pourtant que ce témoin et moi nous eussions puisé à la même source. Mais on sait que de tels souvenirs, quand on les raconte de vive voix et qu’on ne les serre pas de près, sont sujets à s’exagérer un peu, et c’est ce qui sera arrivé ici. Il reste bien certain que les académiciens doutèrent de l’âge réel de l’auteur (« Si véritablement il n’a que cet âge, » est-il dit dans le rapport de M. Raynouard), et ce doute, qui impliquait le soupçon d’une certaine supercherie, put bien influer sur leur jugement.