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prêtait aux plus riches qualités du poëte, et l’induisait sans violence à des tons rajeunis. Malgré des incorrections de détail et des longueurs, l’essai était charmant ; ce dut paraître un très-heureux commencement pour les poëmes à venir, comme Hernani avait pu paraître, dans ses hasards, un heureux prélude pour des drames futurs.

Mais la suite a-t-elle répondu ? Cette suite, chez M. de Lamartine, ne se compose encore, il est vrai, que d’un seul poëme, mais qui a tout déjoué. Et comme, avant ce poëme et avant Jocelyn, les volumes du Voyage en Orient avaient été déjà, malgré d’admirables pages, une négligence trop prolongée et trop avouée, comme la préface de Jocelyn même contenait quelques assertions littéraires très-peu justifiables, qui avaient pu s’éclipser devant une charmante lecture, mais que la pratique d’aujourd’hui revient éclairer ; comme, enfin, le volume en ce moment publié sous le nom de Recueillements affiche de plus en plus ces dissipations d’un beau génie, il est temps de le dire ; au troisième chant du coq, on a droit de s’écrier, et d’avertir le poëte le plus aimé qu’il renie sa gloire.

Le volume actuel est précédé d’une lettre-préface, dans laquelle le poëte, écrivant familièrement à l’un de ses amis, lui explique sa manière de travailler durant les courtes heures des rares saisons qu’il accorde désormais à la poésie. Ces pages sont elles-mêmes une esquisse poétique et vivante de son intérieur de Saint-Point. Il vous initie à tout, et il n’y aurait qu’à le remercier pour tant de bonne grâce et d’aimable con-