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LAMARTINE.

1839.
(Recueillements poétiques.)

C’est un singulier spectacle, et qu’il deviendra tout à l’heure un lieu commun de relever, que celui des variations qu’offre ce temps-ci d’heure en heure dans les doctrines, dans les talents, dans les hommes. À mesure que chacun des grands esprits qu’on a vus débuter avec éclat s’avance dans la vie, il rompt ses unités, multiplie ses bigarrures et ses aventures : cela, chez quelques-uns, peut s’appeler progrès ; car toute chose a deux noms. Peut-être ce temps-ci n’est-il pas plus privilégié qu’un autre en variations, mais nous y sommes plus sensibles parce que nous les saisissons de plus près et plus en détail dans nos contemporains. On se figure toujours en commençant qu’on va être tout différent de ce qui a précédé ; c’est le plus beau motif d’aller en avant et l’inspiration de la jeunesse. À un certain point la poussée manque, le ressort casse ou se retourne contre nous : d’autres déjà nous suivent, qui, à leur manière, recommenceront.