Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

liste de Coleridge. Mais là encore, comme partout, Lamartine n’a pas de détour, de retour compliqué, de subtilité métaphysique ou de restriction méthodiste. En parlant de son chien avec effusion, avec charité, il est toujours dans cette large voie humaine, au bout de laquelle, du plus loin, on aperçoit près de leurs maîtres les chiens d’Ulysse et de Tobie. M. Ampère, parlant d’après Cassien des solitaires de la Thébaïde et de leurs rapports souvent merveilleux avec les lions et les divers animaux, a suivi ingénieusement dans le christianisme jusqu’à saint François d’Assise cette tendresse particulière de quelques moines pour les bêtes de Dieu. Mais ce genre de sentiments exceptionnels dans le christianisme et dans l’humanité sent déjà la secte. Au contraire, les belles apostrophes de Lamartine à Fido, loin de paraître singulières à personne, ne feront que rendre la pensée de bien des cœurs.

Mais c’est avec Wordsworth que les rapports de Lamartine, en ressemblance et en différence, me paraissent plus nombreux et plus sensibles. Wordsworth pense avec Akenside, dont il prend le mot pour devise, que « le poëte est sur terre pour revêtir par le langage et par le nombre tout ce que l’âme aime et admire ; » et Lamartine nous dit quelque part en son Voyage d’Orient : « Je ne veux voir que ce que Dieu et l’homme ont fait beau ; la beauté présente, réelle, palpable, parlant à l’œil et à l’âme, et non la beauté de lieu et d’époque. Aux savants la beauté historique ou critique ; à nous, poëtes, la beauté évidente et sensible, etc. » Mais ces deux poëtes, fidèles également