Ce sourire toujours mourant ou près d’éclore ?
Son front a-t-il gardé ce petit pli rêveur
Que nous baisions tous deux pour l’effacer, ma sœur,
Quand son âme, le soir, au jardin recueillie,
Nous regardait jouer avec mélancolie ?
Mais quand il la revoit si changée, quelle douleur est
la sienne, mêlée de funèbre pressentiment ! La mère
de Jocelyn veut parcourir une dernière fois la maison
natale dans l’absence du nouveau possesseur. C’est une
scène analogue à celle d’Amélie et de René revoyant le
manoir paternel ; plus loin, lorsque Jocelyn doit ensevelir
Laurence à la Grotte des Aigles, il pourra rappeler
Chactas ensevelissant Atala ; car ce n’est pas, je
l’ai déjà dit, par le point de départ singulier des situations
que ce poëme se distingue, mais par leur naturel,
par leur développement, leur fraîcheur et leur jet
de source à chaque pas, par l’inspiration et l’émanation
qui s’élève du tout : là vraiment se déploie
l’originalité, le génie. Si vous avez perdu une mère,
si, nourri aux affections de famille, vous avez éprouvé
quelqu’une de ces grandes et saintes douleurs qui devraient
rendre bon pour toute la vie, lisez, relisez,
pour retrouver vos émotions les meilleures, la visite
à la maison natale, l’évanouissement de la mère de
Jocelyn, la rentrée folâtre des enfants du nouveau
possesseur, courant de haie en haie, tandis qu’elle, on
l’emporte par l’autre porte sans connaissance ; et, après
cette mort, les larmes du fils pieux, sa foi soulageante,
ses retours vers les jours passés de tendres leçons et
d’enfance heureuse,