Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

midor est passé, l’on respire. Sa première pensée est qu’il est prêtre, et que Laurence vit. La sœur de l’évêque va elle-même chercher à la Grotte des Aigles la pauvre agenouillée, qui attend depuis la fatale nuit, et qui ne veut pas croire à une séparation éternelle. Bref, cette séparation consommée, Jocelyn, qui a passé deux ans de convalescence morale et d’épreuve dans une maison de retraite ecclésiastique, reçoit la cure de Valneige, petit village situé tout au haut des Alpes ; et c’est de là que (vers 98) il écrit à sa sœur, revenue avec sa mère de l’exil, les détails que tout le monde a lus, de son pauvre presbytère, de ses laborieuses journées, de ses nuits troublées encore.

Cette poésie de curé de campagne est neuve en France, et M. de Lamartine méritait bien de l’y introduire et de l’y naturaliser. Elle existe depuis longtemps en Allemagne, en Angleterre surtout ; on ferait une douce et piquante histoire de tous les pasteurs, recteurs, curés ou vicaires, qui ont été poëtes ou que les poëtes ont chantés. La Louise de Voss est fille du vénérable pasteur de Grunau, et son amant Valter est lui-même pasteur d’un village voisin. Goldsmith, dans son délicieux poëme du Village abandonné, a peint l’idéal de tous ces curés modestes, de ces vicaires bienfaisants, dont il a reproduit ensuite le portrait avec plus de réalité, mais non moins de charme, dans son Vicaire de Wakefield. Fielding, dans Joseph Andrews, a également son bon curé, et la Paméla de Richardson, au défaut du jeune lord, ne doit-elle pas épouser quelque vicaire ? Mais, pour nous en tenir au curé, au vicaire de campagne.