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quefois presque des mêmes vers[1]. Ce ne sont pas là des obstacles. Il y en aurait plutôt dans certaines incorrections grammaticales, dans quelques-unes de ces négligences de rime et de langue, que le poëte (a dit autrefois Nodier) semble jeter de son char à la foule en expiation de son génie, et qu’en prenant une plus pastorale image je comparerais volontiers à ces nombreux épis que le moissonneur opulent, au fort de sa chaleur, laisse tomber de quelque gerbe mal liée, pour que l’indigence ait à glaner derrière lui et à se consoler encore. Mais il ne faut pas cela : il ne faut pas qu’au milieu d’une émouvante lecture en cercle, un auditeur peu disposé, comme il s’en trouve, un jaloux consolé ait droit de faire entendre une remarque discordante et de susciter une discussion sèche ; il ne faut pas que l’oncle, venu là par hasard, l’oncle qui a fait autrefois de bonnes études sous l’Empire, mais qui depuis… a été dans la banque, puisse lancer sa protestation, au nom de la règle violée, à travers cette admiration affectueuse de

  1. Dans Jocelyn (3e époque), ces vers :

    L’heure ainsi s’en allait l’une à l’autre semblable,
    L’ombre tournait autour des troncs noueux d’érable,


    rappellent ces beaux vers de la pièce au marquis de La Maisonfort :


    Nonchalamment couché près du lit des fontaines,
    Je suis l’ombre qui tourne autour du tronc des chênes.


    En un endroit de Jocelyn, il est dit :


    Ses cheveux que d’un an le fer n’a retranchés ;


    et dans un autre, en parlant de l’évêque :

     
    Sa barbe que d’un an le fer n’a retranchée.