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dont il est, assure-t-on, toute l’image. Une personne grave et peu habituée aux comparaisons poétiques, qui avait en ce temps l’occasion de le voir avec ses sœurs sous l’aile de la mère, ne pouvait s’empêcher de comparer cette jeune famille aimable et d’un essor si naturel à une couvée de colombes. Quand tout n’était que bouleversement et tempête, comment ce doux nid était-il venu à éclore sur la colline pierreuse ? Demandez à Celui qui voulut vêtir le lis du vallon et qui fait fleurir le désert ! — Le jeune Lamartine ne laissa cette vie domestique que pour aller à Belley, au collége des Pères de la Foi ; moins heureux qu’à Milly, il y trouva cependant du charme, des amis qu’il garda toujours, des guides indulgents et faciles, auxquels il disait en les quittant :


Aimables sectateurs d’une aimable sagesse,
Bientôt je ne vous verrai plus !


Sans parler de tout ce qu’il y avait de primitivement affable dans la belle âme de Lamartine, on doit peut-être à cette éducation paternelle de Belley de n’y avoir rien déposé de timide et de farouche, comme il est arrivé trop souvent chez d’autres natures sensibles de

    biographie de Lamartine dans laquelle je m’aventurais le premier, sans documents particuliers et bien précis, ne peut être considérée que comme un à peu près, aujourd’hui surtout que l’auteur, dans les commentaires ajoutés à ses poésies et dans d’innombrables pages de confidences, a tout raconté de lui et des siens. Il suffisait alors à ce premier portrait que le fond et les accessoires fussent d’une justesse approchante, largement posés et en harmonie de ton.