Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le ministère Martignac est venu et que M. Feutrier a fait contre les Jésuites les Ordonnances du 21 avril et du 16 juin ; c’est parce que M. de Vatimesnil poursuit ses persécutions contre l’Église. La Ligue, cette époque trop peu connue, est au long célébrée. Si l’on poussait aux conclusions rigoureuses de ce beau pamphlet de 1829, on irait droit à des Ordonnances un peu différentes de celles de M. de Polignac, mais à des Ordonnances. Voilà ce qui, avec une admirable force de logique, une grande chaleur d’imagination et une pratique continuelle et courageuse de liberté que s’arrogeait l’écrivain à titre de prêtre, voilà ce qui, pour toute mémoire qui n’est pas oblitérée, marque le rôle de M. de La Mennais jusqu’en juillet 1830.

Juillet éclate, et l’abîme est franchi. Le grand cœur de M. de La Mennais redouble de flammes, mais il semble que son esprit s’est éclairé dans l’orage. Prêtre austère, âme de génie, il a gardé sous ses cheveux gris tous ses trésors de foi et de jeunesse ; il a dépouillé d’un coup ses préjugés politiques, non inhérents à la vraie foi. Sincèrement il conçoit l’idée d’une régénération spirituelle et religieuse moyennant la liberté, et, las de crier aux puissants, il lui paraît que c’est avec une autre prédication qu’il faut désormais réveiller, spiritualiser et christianiser le monde. Il y avait donc en un sens, et malgré l’extrême contrariété des moyens, lien étroit et, en quelque sorte, unité de but, entre la fondation de l’Avenir et la brochure des Progrès de la Révolution. Seulement l’auteur de l’Avenir répudiait dès l’abord un certain nombre d’erreurs violentes