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Les chapitres xii et xiii contiennent la parabole des sept hommes couronnés. J’y trouverais à reprendre une teinte un peu trop apocalyptique, un abus d’enfer, de Satan, et un excès d’horreur que les sept hommes couronnés ne méritent pas seuls, et qui s’affaiblirait nécessairement si on la répartissait, comme ce serait justice de le faire, sur toute cette classe supérieure ou moyenne qui les approuve et les soutient. Je sais que les propositions que l’auteur prête aux sept hommes, et qui peuvent paraître le plus exagérées : Abolissons la science ; tuons la concorde ; le bourreau est le premier ministre d’un bon prince, etc., sont textuellement extraites d’un livre italien assez récemment imprimé à Modène. Mais le Machiavel de Modène ne devait pas être pris si à la lettre, la vérité ici passe la vraisemblance ; et comme goût d’abord, et un peu comme justice, j’aurais voulu qu’il fût tenu compte des autres coupables dans la société, des coupables par assentiment et par égoïsme inerte, des coupables aussi par passions haineuses et brutalité, comme en offrent sans doute les rangs populaires[1].

À la suite de ces chapitres sombres, il en vient un qui les corrige, tout enchanteur de mansuétude et d’amour des hommes ; on croirait lire des pages retrouvées de l’Imitation. C’est cette alternative d’ardeur et de douceur, de violence et de tendresse, qui fait le fond

  1. Luther, en son temps, pris pour arbitre par les paysans révoltés contre leurs seigneurs, a tâché de faire la part plus égale dans ses doubles reproches ; mais il est tombé dans l’autre excès et a été dur pour le peuple.