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mer et en laisser tomber une goutte dans le pauvre vase de terre où cuisent vos aliments, sans vous exposer à payer l’amende et à être traînés en prison ? et si vous ne le pouvez pas, comment êtes-vous libres ? »

Ce sont en tout endroit des conseils d’union et d’association qui offrent le sens juste du Bonhomme Richard dans un ton élevé de pathétique et de poésie. Le dernier verset cité rappelle le Pauvre Jacques, de Béranger. Mais l’esprit chrétien, qui court dans ces pages comme un vent fécond et violent, enlève la pensée jusqu’à des extrémités sublimes et ne connaît pas d’horizon :

« Au printemps, lorsque tout se ranime, il sort de l’herbe un bruit qui s’élève comme un long murmure.

« Ce bruit, formé de tant de bruits qu’on ne les pourrait compter, est la voix d’un nombre innombrable de pauvres petites créatures imperceptibles.

« Seule, aucune d’elles ne serait entendue : toutes ensemble elles se font entendre.

« Vous êtes aussi cachés sous l’herbe, pourquoi n’en sort-il aucune voix ?

« Quand on veut passer une rivière rapide, on se forme en une longue file sur deux rangs, et, rapprochés de la sorte, ceux qui n’auraient pu, isolés des autres, résister à la force des eaux, la surmontent sans peine.

« Faites ainsi, et vous romprez le cours de l’iniquité qui vous emporte lorsque vous êtes seuls, et vous jette brisés sur la rive.

« Que vos résolutions soient lentes, mais fermes. Ne