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saient, tels que le vaisseau que chasse la tempête ; on compterait plutôt les sables de la mer que le nombre de ceux qui se hâtaient de passer. Où sont-ils ? etc., etc.

« Ceux qui les virent ont raconté qu’une grande tristesse était dans leur cœur ; l’angoisse soulevait leur poitrine, et comme fatigués du travail de vivre[1], levant les yeux au ciel, ils pleuraient. Où sont-ils ? etc., etc.

« Des lieux inconnus où le fleuve se perd, deux voix s’élèvent incessamment.

« L’une dit : « Du fond de l’abîme, j’ai crié vers vous, Seigneur ; Seigneur, écoutez mes gémissements, prêtez l’oreille à ma prière. Si vous scrutez nos iniquités, qui soutiendra vos regards ? Mais près de vous est la miséricorde et une rédemption immense ! »

« Et l’autre : « Nous vous louons, ô Dieu ! nous vous bénissons : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées ! la terre et les cieux sont remplis de votre gloire ! »

« Et nous aussi, bientôt nous irons là d’où partent ces plaintes ou ces chants de triomphe. Où serons-nous ? qui nous le dira ? Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur !


« Février 1832. »
  1. Les Anciens, dans leur langue voisine des choses, disaient pour désigner les morts, οἱ καμόντες, les fatigués.