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Lune. En voici un autre qu’il composa durant une insomnie la veille de la Toussaint : nous ne pouvons mieux finir.


« LES MORTS ».

« Ils ont aussi passé sur cette terre, ils ont descendu le fleuve du Temps ; on entendit leurs voix sur ses bords, et puis l’on n’entendit plus rien. Où sont-ils ? qui nous le dira ? Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur !

« Pendant qu’ils passaient, mille ombres vaines se présentèrent à leurs regards : le monde que le Christ a maudit leur montra ses grandeurs, ses richesses, ses voluptés ; ils les virent, et soudain ils ne virent plus que l’éternité. Où sont-ils ? qui nous le dira ? Heureux, etc., etc.

« Semblable à un rayon d’en haut, une Croix dans le lointain apparaissait pour guider leur course, mais tous ne la regardaient pas ! Où sont-ils ? etc., etc.

« Il y en avait qui disaient : « Qu’est-ce que ces flots qui nous emportent ? Y a-t-il quelque chose après ce voyage rapide ? Nous ne le savons pas, nul ne le sait. » Et, comme ils disaient cela, les rives s’évanouissaient. Où sont-ils ? qui nous le dira ? Heureux, etc., etc.

« Il y en avait aussi qui semblaient, dans un recueillement profond, écouter une parole secrète, et puis, l’œil fixé sur le couchant, tout à coup ils chantaient une aurore invisible et un jour qui ne finit jamais. Où sont-ils ? etc., etc.

« Entraînés pêle-mêle, jeunes, vieux, tous disparais-