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tères qui, enchaînant un timide ou cupide clergé à un pouvoir enivré de lui-même, retardaient l’éducation spirituelle si arriérée et le ravivement du christianisme. Mais ayant en face de lui un pouvoir temporel qui se disait à tout propos très-chrétien, et un parti libéral, révolutionnaire, à qui il supposait au contraire des intentions très-antichrétiennes, il n’eut d’autre marche à suivre que d’opposer d’un côté aux champions de la souveraineté du peuple quand même la souveraineté de l’ordre d’esprit et de justice, et, d’un autre côté, de parler aux défenseurs soi-disant chrétiens de l’obéissance passive le langage catholique sur l’admissibilité des pouvoirs et la suprématie d’une seule loi. Mais, on le sent, la position restait toujours un peu fausse : s’il était victorieux séparément contre les légitimistes purs et les purs disciples du Contrat social, on avait droit de lui demander, à lui, où il plaçait le siège de cette loi suprême, et comme c’était à Rome, on pouvait lui demander encore par quel mode efficace il la faisait intervenir dans le temporel ; car alors elle intervenait nécessairement, le roi de France étant le fils aîné de l’Église et la confusion des deux ordres s’accroissant de jour en jour par les efforts de sa piété égarée. M. de La Mennais ne prétendait certes pas que le temps des dépositions de rois dût revenir, et s’il citait la bulle de Boniface viii, c’était comme memento du dogme à des absolutistes qui se disaient chrétiens ; toujours y avait-il en ceci quelque difficulté à embrasser, je ne dis pas la droiture, mais le fond et le but de sa tendance politique. La révolution de Juillet, en brisant,