Page:Sainte-Beuve - Portraits contemporains, t1, 1869.djvu/225

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fois ; il les combattit, il les balança longtemps, il les cicatrisa enfin par des croyances. Prêtre après des années d’épreuves et d’acheminement, son fameux Essai sur l’Indifférence, qui fit l’effet au monde d’une brusque explosion, ne fut pour lui qu’un épanchement nourri, retardé et nécessaire. L’auteur s’y place sans concessions, et aussi haut que possible, au point de vue unique de l’autorité et de la foi : c’était en effet par où il fallait ouvrir la restauration catholique. Au milieu d’imperfections nombreuses, et dont M. de La Mennais est le premier à convenir aujourd’hui, telles que des jugements trop acerbes, d’impraticables conseils de subordination spirituelle de l’État à l’Église, et une érudition incomplète, quoique bien vaste, et arriérée ou sans critique en quelques parties, ce grand ouvrage constitue la base monumentale, le corps résistant d’où s’élèveront et s’élèvent déjà les travaux plus avancés de la science chrétienne. Tout ce qui est de l’ordre purement théologique et moral y présente une texture de vérité absolue, une immuable consistance qui ne vieillira pas. Cette fameuse théorie de la certitude contre laquelle on s’est tant récrié, et que nous n’avons pas la prétention d’approfondir ici, n’a rien de choquant que pour l’orgueil, si on la considère sincèrement et qu’on la sépare de quelques hardiesses tranchantes qui n’y sont pas essentielles. M. de La Mennais ne nie pas la raison de l’individu et la certitude relative des sensations, du sentiment et des connaissances qui s’y rapportent. Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la